L’Homme
- Irakoze

- Jun 7, 2020
- 4 min read
Updated: Dec 8, 2023
Il est fait de son âme,
Il est fait de sa conscience.
L'Homme est d'abord l'Histoire
De son for intérieur.
Il est une sorte de librairie,
Où tu trouveras plusieurs galeries.
L'Homme,
Il porte toujours un masque,
Qui cache une partie de sa face.
L'Homme,
Il ne te montrera jamais sa vraie face que,
Lorsque tu apprendras à lui faire face,
Et cela sans ton propre masque.
S'il t'arrive de croiser un homme,
Ne le juge jamais à son apparence,
C'est vrai qu'elle est parfois trompeuse.
S'il t'arrive de croiser un homme,
Donne-lui le temps de te prouver,
Que son vécu diffère du tien.
S'il t'arrive de croiser l'humain,
Rappelle-toi de goûter tes mots,
avant de les laisser sortir.
Enfin, souviens-toi parfois
qu'il est aussi sensible que toi...
Il y a de cela six ans que j’ai écrit ce texte, mon premier poème. Quelques mois auparavant, j’avais quitté ma terre natale pour le pays de la feuille d’érable. J’ai dû m’adapter à plusieurs choses à la fois. Dont leur langue. Aussi loin que je m’en souvienne, j’adorais l’anglais, cette langue que je parlais à peine quand j’étais encore au Burundi. A mon arrivée, j’ai vite remarqué que le Vocab, l’accent et l’argot changeaient ou plutôt n’étaient pas adaptés de l’autre côté de l’Atlantique.
Au début, l’argot était le plus dur pour moi. Je peinais à formuler des phrases complètes avec les quelques mots qui sortaient de ma bouche après plusieurs doutes. Aujourd’hui encore, je travaille encore et toujours sur la confiance à m’exprimer dans cette langue que ma grand-mère ne parlait pas. Et c’est tout récemment que j’ai appris à accepter mon accent tel qu’il est. Un jour, peut-être, je parlerai des difficultés que j’ai eu à m’intégrer et à trouver ma place dans cette terre que mes aïeux n’ont pas connu.
Quelques temps après mon arrivée donc, j’ai pris des cours d’anglais pendant au moins 4 mois. Le centre le plus proche de là où j’habitais était un centre pour adultes et j’étais la plus jeune de ma classe. Plusieurs fois, j’y allais plus pour observer et apprendre des autres apprenants que de notre instructeur. Il s’agissait de femmes et d’hommes matures provenant d’un peu partout dans le monde. Bien que la couleur de nos peaux n’était pas la même, que nos origines étaient différentes, nos cultures qui se contredisaient ou nos aspirations qui divergeaient, j’y ai appris, qu’au fond, nos vies sont toutes connectées.
Parmi ces « camarades de classe », il y en a qui m’ont le plus marqué.
Le docteur maghrébin
Il était le seul avec qui je parlais le français. Le reste nous regardait comme des élites car être bilingue ici est un réel atout dit-on. Il me racontait souvent comment il avait quitté son pays. Il avait plus de 15 ans d’expérience comme médecin spécialiste. Arrivé ici, me disait-il d’un air triste, son diplôme et son expertise ne signifiaient plus rien. On lui avait suggéré de retourner au banc de l’école pour apprendre ce qu’il pouvait enseigner. Il n’avait jamais été emballé par cette idée, il avait une famille à prendre en charge. Le docteur spécialiste avait donc dû être conducteur de taxi durant quelques années avant de venir apprendre comme moi à perfectionner son anglais. Quand je lui demandais s’il lui arrivait de regretter, il m’expliquait qu’il l’avait fait pour ses enfants. En effet, son pays traversait une crise politique et l’avenir de ses enfants était plus importante que sa carrière. Il m’encourageait souvent à poursuivre mes études et me disait : « Un jour, il faudra que tu songes à rentrer au pays. L’Afrique a besoin de nous ». Et lui ?
Le diplomate iranien
Lui, on ne se parlait presque jamais mais je l’écoutais souvent. Il arrivait tous les jours avant tout le monde. Il s’asseyait devant, posait les bonnes questions et donnait les meilleures réponses. A chaque début du cours, on passait 20 à 30 minutes à discuter des nouvelles d’un peu partout dans le monde. A l’époque, les médias ne parlaient que de l’Ukraine et de l’annexion de la Crimée. Diplomate qu’il était, son anglais était parfait à mon avis. Il s’exprimait mieux que nous tous. Parfois pour nous faire rire, il nous répétait qu’il était là pour ne pas s’ennuyer à la maison. Son attitude me plaisait. Il avait cette soif de connaître et de partager le savoir. Il me faisait penser à mon père.
La mère sud-coréenne
En temps normal, on n’aurait rien trouvé en commun, moi et cette dame. Elle avait la cinquantaine et vivait entre deux pays. Elle et son mari avaient un business et une fille à Seoul. Il a suffi d’un petit exercice en classe où nous devions dire une ou deux choses concernant la personne assise à côté de nous pour que nous connections. Elle parlait de son pays comme si elle venait juste de le quitter. En fait, ce qu’elle avait de plus cher, sa fille, y était. Lorsque mon tour de me présenter arriva, j’utilisai les quelques mots coréens que je connaissais. Mes sœurs, qui y faisaient leurs études, me les avaient apprises. Il n’a donc fallu que ces quelques mots. Des questions ont suivi et depuis nous déjeunions presque tous les jours ensemble. Elle me demandait souvent si je parlais à ma mère ou si elle me manquait. Moi qui ne me permettais même plus de conjuguer ce verbe au présent. Elle était généreuse, elle me donnait des cadeaux dont de jolies boucles d’oreilles, un beau carnet et sa présence. Un jour elle me dit qu’elle partait rendre visite à sa fille. Et ainsi nous perdîmes tout contact. Nos conversations, elles, ne m’ont jamais quittée.
Le fin mot de ces histoires

(A friend in a vigil for Georges Floyd, BLM Germany, June 2020)
Je partage avec vous ces histoires parce qu’elles ont vraiment influencé la manière dont je vois l’autre aujourd’hui. Grâce à ces personnes, à nos situations et à la langue qui nous a unis, j’ai appris que quel que soit son pays d’origine, la couleur de sa peau ou les langues qu’il parle, l’humain est en quête d’une vie décente, de stabilité, de dignité, de compréhension, d’attention, de l’espoir de lendemains meilleurs dans le pays où lui et les siens demeurent.
N’ijwi ryuzuye urukundo,
Irakoze





Urakoze cane gose🙏🏾
Merciii Ncuti ❤️
Merci chère amie!